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« Quand le prince n’est plus charmant »
Article mis en ligne le 23 novembre 2010

par Evelyne Gigan

Cette semaine de nombreuses manifestations encourageront la lutte contre les violences faites aux femmes. À commencer par la conférence intitulée « Quand la princesse est prisonnière ou comment se sortir de l’emprise ». Jean-Luc Tournier, psychosociologue la donnera ce soir de 18 heures à 20 heures au Centre social de la Rivière des Pluies. Précisions.

De quoi traite votre conférence ?

Elle porte sur l’expérience des femmes qui se trouvent sous l’emprise de leur conjoint. On pourrait prendre comme titre « Quand le prince n’est plus charmant ». Je parle en fait de ces princesses qui se rendent compte que leur mari ou leur compagnon commence à abuser d’elles. Je ne fais pas forcément référence aux violences physiques, ni même aux abus sexuels. Je parle d’une forme de mainmise d’un homme sur sa femme. Ce serait un peu comme une grenouille qui vivrait dans un bocal d’eau glacée. Peu à peu, on lui verse de l’eau de plus en plus chaude, et ce jusqu’à ce qu’elle soit ébouillantée.

Mais comment une femme peut-elle faire pour renverser la machine et ne plus se laisser manipuler ?

Pour se sortir d’un tel guêpier, il est extrêmement important de regarder et de comprendre ce qui se passe. Comment et pourquoi on se sent tellement mal dans son couple ? Généralement quand on vit cela, on prend toute la faute sur soi. Il est donc important avec l’aide d’une tierce personne de pouvoir déjà comprendre comment mon conjoint s’y prend pour m’éteindre.

Une femme sous l’emprise de son mari, ne peut-elle pas s’en sortir toute seule ?

Généralement dans le cas d’une mise sous emprise, on est tellement enfermé dans ce piège qu’on ne le voit plus. C’est le principe de la manipulation qui fait que la personne qui la subit ne s’en rend pas compte. Au contraire, bien souvent elle participe aux comportements du manipulateur : elle pense qu’il a raison. Ce faisant, elle occulte le fait que son mari est responsable.

Comment les proches peuvent-ils détecter une femme manipulée par son mari ?

Tout d’abord, la personne mise sous emprise s’éteint. Vous aviez une amie qui était vivante, qui était pétillante, qui était heureuse de vivre. Vous constatez que l’oiseau qu’elle était ne chante plus. D’autre part, on le remarque aussi parce que la personne mise sous emprise commence à s’isoler. C’est-à-dire qu’elle va rompre les liens avec ses amis, sa famille. Non seulement elle est isolée par son conjoint, mais en plus elle s’isole d’elle-même parce qu’elle a honte.

Que peut-on faire pour aider cette femme-là ?

Il faut lui faire prendre conscience qu’elle n’est plus ce qu’elle était. « Tu te souviens comme tu aimais danser, tu te souviens quand tu venais à la maison, tu te souviens quand on allait se promener... » pour que tout d’un coup sa pensée aille vers les souvenirs d’antan, au temps où elle n’était pas sous emprise.

Il faut donc créer un déclic ?

Oui, mais il ne faut pas le faire en l’engueulant, ni en lui donnant de bons conseils, car elle pourrait bien finir par vous éviter. Par contre, vous pouvez lui montrer combien vous êtes touché de la voir comme ça. Et puis, en lui rappelant comment elle était et comment elle est, vous créez un effet miroir. Vous lui montrez comment vous la percevez et ça lui permet de se voir, alors qu’elle-même étant sous emprise, elle ne se voit plus.

Peut-on essayer de changer le mari ?

Le processus serait bien trop long. D’ailleurs il est rare qu’il se reconnaisse manipulateur. Mieux vaut travailler avec la victime.

Mais doit-elle forcément quitter son bourreau ? Enfin, le mot « bourreau » est peut-être un peu fort...

Parfois le mot n’est pas trop fort. Dans des cas avancés et graves, la séparation est probablement l’unique solution. Elle est évitable si les deux partenaires sont d’accord pour un travail conjoint, une remise en question conjointe. Mais c’est rare, excessivement rare. Le plus souvent si ces femmes veulent sauver leur peau, leur esprit et parfois leurs enfants, elles ont tout intérêt à partir et c’est ce qu’elles font.


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