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Quand la Famille Marie jeunesse se met au reggae dancehall
Article mis en ligne le 23 février 2011

par Evelyne Gigan

Depuis fin janvier, la Famille Marie jeunesse a lancé « Oui, je veux te louer », un album de reggae dancehall chrétien. Grégory Gémin, le responsable de cette communauté nouvelle a écrit les chansons avec d’autres jeunes. Aurélie Lauret, membre elle aussi de la famille Marie jeunesse fait les chœurs. Ils nous en disent plus sur cette aventure.

La Famille Marie Jeunesse vient de sortir un album intitulé « Oui, je veux te louer », à qui s’adresse-il ?

Grégory : Comme c’est un cd de reggae dancehall, il s’adresse principalement aux jeunes. J’imagine mal une mamie de 70 ans en écouter, quoique. Mais à ma grande surprise, j’ai constaté qu’il y avait des adultes intéressés. Cela change du reggae dancehall que l’on entend d’habitude, qui est un peu plus brut par moment, où les paroles sont quelques fois déplacées ou contestataires, là il y a une certaine douceur. En règle général, nos chants à Marie Jeunesse sont plus des chants méditatifs.

Comment est né ce projet ?

Grégory : En arrivant du Canada en août 2009, j’ai constaté que les jeunes d’ici écoutaient beaucoup ce genre de musique, qu’il y avait même des jeunes talents qui chantaient dans l’église du reggae dancehall. De fil en aiguille, on s’est lié d’amitié, on a eu l’occasion de chanter ensemble. Un jour, une soeur de la communauté m’a fait remarquer que le reggae dancehall permettait à certains jeunes de faire des pas dans leur foi à cause des paroles qu’ils chantaient. Ils se disaient : «  il faut que je vive ce que je dis  ». Je pense notamment au chant sur la pureté et la chasteté qui appelle à vivre la radicalité de l’Evangile. Des jeunes étaient bouleversés par ce chant. On a alors commencé à composer et à chanter avec les jeunes. L’idée du cd, c’était de concrétiser ce travail et aussi de permettre de financer les prochaines journées mondiales de la jeunesse à Madrid. Ce cd permettait aussi de répondre l’appel d’adultes. Ils voulaient montrer aux jeunes qu’ils peuvent écouter une musique qu’ils aiment avec des paroles évangéliques.

Aurélie Lauret, vous avez fait les chœurs sur ce cd de reggae dancehall, mais j’ai cru comprendre que ce n’est pas trop votre style de musique, alors pourquoi avoir participé à ce projet ?

Aurélie : C’est sûr qu’à la base le reggae dancehall n’est pas une musique que j’écoute et que j’aime particulièrement. Pour ma part, je suis plus classique, je chante en église depuis longtemps. Ma passion, c’est la chanson. Lorsque Grégory m’a parlé de son projet de cd, je lui ai proposé de faire les backs vocaux, mais c’est vraiment partie d’un élan du cœur. Ce n’était pas lié au type de musique. J’aime beaucoup les paroles qu’il écrit et puis j’ajouterai que c’est une grande aventure de famille avant tout.

Pourquoi la musique est-elle si importante dans la Famille Marie jeunesse ?

Aurélie : La musique rassemble. A Marie jeunesse, on aime bien ce qui est beau, cela fait partie de notre charisme. Nous sommes là pour la beauté et la joie de Dieu, alors quoi d’autres que la musique pour nous rassembler dans la beauté et la joie ? C’est vrai que la musique peut prendre plusieurs couleurs et je pense que la beauté s’agrandit aussi avec les différents membres de la communauté qui ont une couleur différente.
Donc même si certains préfèrent le classique, pourquoi ne pas donner sa place à des musiques qui bougent un peu plus ?

Grégory : La musique a aussi cette faculté de pouvoir aller nous chercher au niveau des émotions, elle exprime parfois ce que l’on n’est pas capable d’exprimer par des mots. Certaines personnes ne disent-elles pas « tiens, à travers ce chant on dirait qu’on met des mots sur ce que je vis  » ? Eh bien, dans la musique chrétienne, on dépasse l’émotion et on entre dans le jardin secret de notre cœur, on va plus en profondeur. Je dirais qu’à Marie jeunesse, la musique permet d’entrer dans une intimité profonde avec le Seigneur. Notre musique est musique est essentiellement contemplative, elle nous aide à entrer dans la prière. Enlever la musique durant le temps de prières, durant l’eucharistie, on perdrait 70% de profondeur.

Mais au fait Grégory, le reggae dancehall est-il venu avant Dieu ou Dieu est-il venu avant ?

Grégory : Le reggae dancehall est venu avant Dieu. Je savais qu’il y avait un Dieu qui existait mais pour moi, il n’était pas bon. A l’âge de 16 ans, j’étais dans une période de remise en question, je me disais « si Dieu existe, pourquoi y-a-t’il tant de mal dans le monde ? Pourquoi mes parents se sont séparés ?  » A ce moment-là, le reggae dancehall était à la mode en Guadeloupe (son île natale). C’était dans le début des années 90, cette musique permettait aux jeunes d’exprimer leur malaise et de dénoncer ce qui n’allait pas dans la société, elle s’est donc présentée à moi comme une manière de m’exprimer, une identité. Voilà pourquoi lorsque je me suis converti vers l’âge de 18 et demi, j’ai voulu mettre cette musique de côté. Je l’associais à la contestation, à l’oubli des difficultés. Les paroles de ces chansons n’élevaient pas le cœur. Je me suis rendu compte qu’en restant dans cette musique, j’aurais pu m’éloigner de mes valeurs profondes. J’avais donc décidé de mettre une croix sur cette musique et curieusement quand je suis devenu religieux, j’ai recommencé à chanter du reggae dancehall sur la demande des responsables de la communauté. C’était en 2002.

Le reggae dancehall n’évoque-t-il pas souvent l’image d’hommes riches entourés de femmes légères ? alors pourquoi associer cette musique à Dieu ?

Grégory : Je ne l’ai pas associé à cette musique, je lui ai permis d’y rentrer parce que le Seigneur s’intéresse à notre vie. Quand on lit l’Evangile, on voit que Jésus a rencontré Zachée dans son milieu, je pense à Pierre qui était en train de pêcher. Il vient nous rejoindre dans notre vie et par le reggae dancehall a été une occasion de permettre au Seigneur de s’exprimer dans cette musique de dire ce qu’il avait à dire et d’y participer. Donc c’est pour cela qu’il y a eu ce désir de faire du reggae dancehall chrétien.

Le reggae dancehall peut-il aider les jeunes à redécouvrir Dieu ?

Aurélie : Je trouve cela très intéressant, parce qu’il y a beaucoup de jeunes que ça accroche. Ils n’écoutent peut-être pas vraiment les paroles, mais ils en font eux aussi, on a l’exemple d’un petit jeune, on lui a donné l’occasion de s’exprimer dans ce style, il écrit maintenant des chants chrétiens et ses paroles sont magnifiques, elles sonnent vrai, elle viennent vraiment de son cœur et c’est comme une prière.

Grégory : J’ai quantité de témoignages de jeunes qui se mettent en marche grâce à cette musique. Je reviens de mission des Seychelles, nous avons rencontrés plus de 1800 jeunes, tous les élèves de premières et de terminales 11 écoles sur 12. A chaque rencontre, on faisait un chant comme cela et je me souviens d’un groupe de jeunes qui ne voulaient pas rentrer dans la salle, quand on a commencé à chanter, il est rentré et après il est resté. A la fin de la rencontre, lorsqu’on a proposé un temps de prières, il a fermé les yeux pour prier, donc quand on me demande si cette musique est un moyen pour rencontrer le Seigneur, je le crois. Et j’ai vu des quantités de jeunes qui ne s’intéressaient pas nécessairement à la foi aussitôt qu’ils nous voyaient chanter, les étoiles scintillaient dans leur regard et là ils devenaient attentifs aux témoignages qu’il y avait après, parce qu’ils avaient été rejoints par une musique qu’ils aiment. Ce qui me fait rire, c’est qu’au départ, on leur parle de Jésus et ça ne les intéresse pas trop, mais quand je commence à chanter avec la communauté et qu’à un moment je dis : « dites avec moi « vive Jésus » », ils semblent le dire sans s’en rendre compte. Jésus veut dire « Dieu sauve » et le jeune qui prononce son nom même s’il peut être pris dans une ambiance parce que la musique est belle, je crois profondément que le Seigneur agit dans son cœur. Il n’est pas obligé de dire « vive Jésus », mais ils le font quand même et quand je les vois dire cela avec cœur, je me dis ça ne doit pas être un effet de foule. C’est vraiment un désir, ils ne réalisent peut-être pas encore ce qu’ils disent là, mais ils commencent à prendre conscience que Jésus est un Dieu qui donne la joie, qui rend heureux et c’est pour ça qu’ils veulent le dire. Quand ils nous voient chanter et taper des mains ils se rendent compte qu’on peut être heureux avec le Seigneur.

Où est-ce que vous avez enregistré ce cd ?

Aurélie : C’était chez Patrice Ellama à Saint-Benoît, il a un studio chez lui, il a tout mixé lui-même, c’était simple, on se sentait en famille, ce n’était pas compliqué, c’était simplement beau.

Onze titres qui ont été écrits par qui alors ?

Grégory : Je suis auteur-compositeur, mais il y a plusieurs chants où je suis en duo. Je les ai composés avec les jeunes avec qui je chantais à ce moment-là, les backs vocaux ont été composés par celles qui les chantaient et puis il y aussi le père Dominic qui a composé certains rythmes, synthétiseur, djembé, piano.

Vous n’avez donc pas pris des sons tout prêts sur internet pour chanter dessus ?

Grégory : Si, la plupart des instrumentaux ont été pris sur internet, excepté le chant sur l’Esprit-Saint qui a été composé par le père Dominic et Yoann. Dans le milieu du reggae dancehall, c’est très simple quelqu’un compose une musique et il la met au service des autres. Quand l’album a été déclaré à la Sacem, j’ai demandé si je devais payer les droits sur les instrumentaux et ils m’ont dit qu’on était auteur-compositeur dès lors qu’on a écrit les paroles et qu’on a une mélodie. Dans le milieu du reggae dancehall, prendre un instrumental tout fait ne pose pas problème.. Sur le cd, il y a un instrumental qui a été popularisé par le chanteur jamaïcain Sean Paul. Alors quand je commence à chanter, je vois les yeux qui s’ouvrent et les oreilles qui sont vraiment attentive et finalement ils entendent des paroles chrétiennes et moi je ne savais pas que j’invitais les jeunes à la sainteté sur un instrumental utilisé par Sean Paul. Du coup les jeunes se sentent interpellés à cause d’une musique qui leur est familière. Et oui, le Bon Dieu a plus d’un tour dans son sac.

Evangéliser avec le ragga dancehall, c’est donc possible ?

Grégory : C’est archi possible et c’est pour ça que je me suis entouré de jeunes de La Réunion. Nous sommes neuf à avoir participé au chant sur ce cd, il y a deux religieux, tout le reste, ce sont des jeunes Réunionnais. Le père Dominic et moi-même, nous sommes missionnaires, nous serons amenés à repartir. Mais ces jeunes eux peuvent poursuivre ce que nous avons commencé ensemble. En Guadeloupe, ils sont jaloux, ma mère m’a demandé d’envoyer une caisse de cds, le reggae dancehall chrétien n’existe pas encore là-bas, les Réunionnais sont donc des chanceux.

Le cd est disponible au prix de 15 euros dans les librairies Arod, à l’aumônerie des collèges et lycées du Tampon. Plus de renseignements au 0262 27 12 01.


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