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Claude François Poullart des Places, fondateur de la congrégation du Saint-Esprit
Article mis en ligne le 12 février 2010

par Père Louis Verchère cssp

Il y a trois cents ans, le père Poullart des Places, fondateur de la congrégation du Saint-Esprit, rendait son âme à Dieu. L’un de ses « fils » lui rend hommage.

Le 2 octobre 2009, il y a eu 300 ans que Claude François Poullart des Places est décédé. Aussi nous faisons mémoire de lui. Il est le fondateur de la congrégation du Saint-Esprit, à laquelle nous appartenons. Historiquement, nous avons été greffés sur cette congrégation en 1848. En 1841 Le P. François Paul Libermann avait fondé la Société du Saint Cœur de Marie pour l’évangélisation des Noirs. En 1848, Il accepte de fusionner avec la Congrégation du Saint-Esprit.

Dans le cadre de l’année sacerdotale il est aussi bon de prendre connaissance de la vie d’un prêtre qui a été appelé à accomplir une œuvre importante pour l’Eglise.

 Enfance et jeunesse

Claude François Poullart des Places naît à Rennes le 26 février 1679. Son père et sa mère tiennent un commerce de toile et de cire. Ils sont riches. Ils ont des relations avec des personnes de hauts rangs, car le parrain de Claude François sera Claude Barbeuf, président au Parlement de Bretagne. En fait c’est une famille qui a perdu son titre de noblesse. Le père a l’ambition de le retrouver. La naissance d’un garçon est une bonne chose pour réaliser ce rêve. Il a deux sœurs. L’une d’entre elles meurt en bas âge.

Claude François, dans son enfance, se révèle à la fois vif et remuant, et porté à la piété. Il a un grand plaisir à représenter les cérémonies qu’il a vues à l’église. Secrètement il organise avec des amis une pieuse association. Quand le père jésuite qui s’occupe de son éducation l’apprend, il demande de cesser, par prudence, pour éviter les excès et le développement de la recherche de soi même dans la piété fervente.

A l’âge de 11ans il commence ses études au collège des jésuites à Rennes. Claude François aurait volontiers suivi ses camarades qui éveillaient en lui son tempérament vif et remuant, mais le papa et la maman ne lui permettent pas de s’émanciper. A 14 ans il a achevé le premier cycle d’étude, qui comprend dans la dernière année la pratique de l’éloquence. Savoir bien dire un discours. Son père l’envoie au collège des jésuites à Caen pour faire une deuxième année de formation à l’éloquence. Pourquoi cela ? Parce que le papa prévoit pour son fils une place de conseiller au Parlement de Bretagne. Claude François acquiert une grande facilité à s’exprimer et un fond d’éloquence qui lui rendront bien service plus tard pour la prédication. Après cela il revient à Rennes pour les trois années d’étude de la philosophie. La philosophie c’est la recherche de la sagesse, du sens de la vie et de la manière de bien vivre sa vie. L’étude de la philosophie consiste à prendre contact avec ces grands hommes qui ont laissé derrière eux des écrits qui permettent de connaître leur pensée. A la fin de la troisième année, un étudiant était choisi pour présenter devant un public de haute classe, une thèse, c’est-à-dire un sujet qui est donné et qu’il faut développer et défendre. Claude François Poullart des Places est choisi. Cela indique ses qualités intellectuelles et aussi ses qualités humaines. Cet exercice demande aussi la dépense d’une grosse somme d’argent. Cela manifeste la bonne situation financière de la famille. Et puis c’est une occasion rêvée pour le papa de prendre de l’importance et de pouvoir avoir des relations avec le haut gratin de la société.

« Les présidents et conseillers du Parlement y assistèrent en cérémonies, et avec tout ce qu’il y avait de personnes de considération dans la ville et aux environs. » (Anthologie spiritaine p.21).

Cela s’est passé le 25 août 1698, dans la dix-neuvième année de Claude François.

Suite à ce coup d’éclat, son père lui fait faire un voyage à Paris et plus précisément à Versailles. Nous sommes à l’époque du roi Louis XIV, avec sa cour. Tout est organisé pour que Claude François rencontre une demoiselle de grande qualité, qui est demoiselle d’honneur de madame la Duchesse de Bourgogne. Cette jeune fille lui est proposée comme épouse. Occasion de rentrer dans la noblesse et même dans la famille royale. Seulement le jeune des Places n’a aucune envie de s’engager aussitôt dans le mariage. Il aime la gloire, la réputation. Le mariage lui apparaît comme un obstacle pour y arriver. Il convainc ses parents d’abandonner ce projet.

A son retour de Paris, il fréquente le monde. Ses parents ne peuvent l’en empêcher, vus son âge, son succès, et s’ils veulent un beau mariage. Ils lui fournissent de l’argent pour paraître avec honneur. Cela ne lui déplaît pas. Il se met à dépenser plus qu’il ne reçoit. Il faut jouer d’adresse pour emprunter et cacher sous de beaux dehors ce qu’il y a d’irrégulier.

Mais il ne va pas passer son temps à faire la fête. Dès octobre 1698 son père l’envoie à Nantes pour faire du droit. Toujours en vue d’en faire un conseiller au Parlement. Il fait son droit, mène une bonne vie d’étudiant, se relâche dans sa vie de foi. Mais il connaît une inquiétude. Ses parents sont si sûrs qu’il entrera dans la magistrature que sa mère a déjà confectionné sa robe d’avocat. Au terme des études, une grande fête est organisée en famille, au cours de laquelle Claude François revêt cette robe. A la fin des réjouissances, il la quitte et déclare qu’il ne la remettra plus jamais car il désire devenir prêtre. Déception pour les parents, mais en bons chrétiens ils ne veulent pas s’y opposer totalement. Pour laisser mûrir ce projet, ils conviennent qu’il passera l’année 1700-1701 à Rennes, en aidant son père dans ses affaires.
Mais Claude François garde sa conviction et fait au cours de cette année 1701 une retraite avec un jésuite, pour mieux discerner ce à quoi Dieu l’appelle.

 La retraite de conversion

Dans cette retraite nous découvrons que depuis longtemps il lutte contre cet appel à devenir prêtre, et qu’en lui son esprit vif et remuant l’a conduit à devenir un homme du monde. C’est cette recherche de la gloire et de l’honneur qui lui ont fait repousser le mariage, mais aussi fermer les oreilles à l’appel de Dieu. Ecoutons quelques passages :

« Allons mon âme, il est temps de te rendre à tant de poursuites aimables. Peux-tu balancer un moment à abandonner tous tes sentiments mondains pour te reprocher avec plus d’attention et de recueillement ton ingratitude et ta dureté de ton cœur à la voix de ton Dieu ? Ne dois-tu pas avoir honte d’avoir combattu si longtemps, d’avoir détruit, méprisé, foulé aux pieds le sang adorable de ton Jésus ? » (ANT. P.25).

Ce constant du combat contre les appels de Dieu et son regret du refus se fait dans une prise de conscience de l’amour de Dieu pour lui : « Il est temps de te rendre à tant de poursuites aimables ». Nous avons là une attitude très importante : nous reconnaître pécheurs, mais en reconnaissant l’amour que Dieu a pour nous.

C’est fort différent du fait de se reconnaître pécheur en se disant : je suis indigne de Dieu, je ne mérite pas son amour, je ne suis pas celui que je dois être. Il faut se reconnaître déjà aimé par Dieu. Écoutons d’autres paroles :
« En reconnaissant votre puissance, que je reconnais efficacement votre amour ! Vous m’aimez, mon divin Sauveur, et vous m’en donnez des marques bien sensibles. Je sais que votre tendresse est infinie, puisqu’elle n’est pas épuisée par les ingratitudes innombrables que je vous ai fait paraître tant de fois. Il y a longtemps que vous voulez me parler au cœur, mais il y a longtemps que je ne veux point vous écouter. Vous tâchez de me persuader que vous voulez vous servir de moi dans les emplois les plus saints let les plus religieux, mais je tâche moi de ne pas vous croire. Si votre voix fait quelques fois impression sur mon esprit, le monde un moment après efface les caractères de votre grâce. Combien y a-t-il déjà d’années que vous travaillez à rétablir ce que mes passions détruisent continuellement. » (ANT P.26)

Puis vient la décision de changer de vie. Celle-ci porte sur son défaut dominant : la recherche de la gloire, et de l’honneur. Il écrit :
« Que rien au monde ne soit capable de m’éloigner de la vertu. Perdons respect humain, complaisance, faiblesse, amour-propre, vanité, perdons tout ce que nous avons de mauvais, et ne gardons que ce qui peut-être bon. Qu’on dise tout ce qu’on voudra, qu’on m’approuve, qu’on s’en moque, qu’on me traite de visionnaire, d’hypocrite ou d’homme de bien, tout cela me doit être désormais indifférent. Je cherche mon Dieu. » (ANT. P.27).

Nous avons là la résolution qui s’attaque à la racine de sa difficulté personnelle, pour aller vers Dieu. Mais il est conscient de sa faiblesse et il demande l’aide de Dieu. Celle-ci comprend un appel à être conservé dans ces bonnes dispositions et d’être protégé de son ambition. Et là, il ne demande pas d’en être guéri, comme nous faisons tout le temps de nos jours, ou que le Seigneur enlève cela de lui rapidement et sans douleur. Pour être délivré de sa passion de gloire, il demande à Dieu de lui donner des occasions d’être humilié, abaissé. Voilà le chemin de la protection, de la guérison, de la délivrance. Retenons-le, c’est à l’opposé de nos désirs de ne plus connaître de difficultés, de tiraillements à cause de notre défaut principal. Écoutons ce que Poullart des Places écrit :
« Conservez-moi, mon Dieu, de si saintes résolutions, et me donnez, s’il vous plaît, la grâce de la persévérance finale. J’aurai des ennemis à combattre et qui, cherchant à détruire par mille occasions dangereuses qu’ils me présenteront, chercheront en même temps ma ruine et ma perte. Défendez-moi, Seigneur contre ces tentateurs, et puisque le plus redoutable est l’ambition qui est ma passion dominante, humiliez-moi, abaissez mon orgueil, confondez ma gloire. Que je trouve partout des mortifications, que les hommse me rebutent et me méprisent. J’y consens, mon Dieu, pourvu que vous m’aimiez beaucoup et que je vous sois cher. » (ANT. P. 27)

Après le regard sur sa vie, dans la lumière de l’amour de Dieu envers lui, après la décision de conversion, arrive la réflexion et le choix d’un état de vie. Il considère les différentes possibilités. Les situations dans le monde : l’épée c’est-à-dire l’armée, la vie à la cour, la magistrature, ou les finances vont trop dans le sens de son ambition à laquelle il renonce. De plus le mariage l’intéresse peu. La vie religieuse, être enfermé dans un monastère pour se consacrer à la prière, ne l’attire pas. Être prêtre paraît lui convenir, cependant il n’arrive pas à trancher totalement. Il s’en remet au conseil de celui qui l’accompagne dans sa retraite.

 En route pour devenir prêtre

La décision de devenir prêtre est prise. Ses parents acceptent. En octobre 1701, il va à Paris, au collège des Jésuites, Louis Legrand, pour commencer ses études en vue de l’ordination. Il n’étudie pas à la Sorbonne qui délivre des diplômes reconnus, ce qui permet de faire carrière. Il renonce à toute possibilité de gloire. Mais il ne sait pas où le vent de l’Esprit Saint le conduira. Il est fidèle à lutter contre son mauvais penchant. Il va s’abaisser. Il a été rapporté : « qu’en 1701[…] on le vit tout à coup, au milieu de ce collège si nombreux et où il était si connu, quitter tout l’éclat et les manières du siècle pour se revêtir de l’habit et adopter la simplicité des ecclésiastiques les plus réformés. » (Prier 15 jours p.12). Il participe à un groupe de piété, ‘l’Assemblée des Amis’, avec lequel il s’engage à la prière et au service des pauvres. C’est ainsi qu’il réunit de jeunes ramoneurs, et parfois leur fait le catéchisme.

Une autre pauvreté retient son attention. Il rencontre de jeunes hommes qui essaient de faire leurs études pour devenir prêtres, mais qui manquent d’argent. Ils ne mangent pas à leur faim, ils ne sont pas toujours bien logés. Parfois ils ne parviennent pas à faire leurs études. A l’époque les séminaires n’étaient pas encore organisés, chacun devait se débrouiller par soi-même pour faire les études nécessaires. Sur la fin de leur parcours ils étaient regroupés dans un établissement, six mois ou un an, afin de voir s’ils étaient aptes au sacerdoce. A la porte du collège Louis Legrand, demeurait un de ces pauvres étudiants. Poullart lui donne chaque jour la moitié de sa portion. Il se sent appelé à faire quelque chose pour eux. L’idée lui vient d’en rassembler quelques-uns dans une chambre, non loin du collège. Il leur rendrait visite et de temps à autres leur donnerait un petit enseignement. Il en parle au prêtre auquel il se confesse. Celui-ci l’approuve. Le principal du collège promet de l’aider en lui accordant une partie de ce qui se desservait de sur la table des pensionnaires, pour nourrir ses pauvres écoliers, comme on disait à l’époque.
Il regroupe donc dans une chambre à la rue Cordiers les pauvres écoliers qu’il aidait. Le groupe augmente. Il faut une maison. Il faut aussi une organisation pour vivre ensemble, et cultiver la prière, les études. Claude François quitte le collège pour aller demeurer avec les pauvres écoliers. Il tient aux études. Il pense qu’un clerc pieux (un prêtre) sans science a un zèle aveugle, et que le clerc savant sans piété est exposé à devenir hérétique et rebelle à l’Église. Mais pour éviter tout carriérisme dans la prêtrise, il fait étudier, chez les jésuites, à Louis Legrand et non à la Sorbonne.

Voilà Claude François qui, à 24 ans, étudiant en théologie, se trouve à la tête d’une petite communauté. En 1703 ils sont 12 pauvres écoliers. Ils demandent alors à se consacrer ensemble au Saint-Esprit et à Marie. Cela s’est fait le 27 mai 1703, fête de la Pentecôte. C’est la naissance de la Congrégation du Saint-Esprit, dont les membres seront appelés spiritains.

Le temps de l’épreuve

Mener de front les études et la responsabilité de la communauté devient lourd et fatigant. Les études en prennent un coup. Au cours de l’année 1704, Poullart ne se sent plus du tout en forme, tout va de travers en lui-même. Il remarque un retour de son penchant à la gloire : « … plein de sensibilité au sujet de ma famille, n’avouant qu’avec peine que mon père et ma mère sont marchands de toile et de cire, craignant même qu’on le sache ; faisant trop peu connaître que je n’avais point de part dans la bonne œuvre qui regarde la maison des pauvres écoliers, mais ressentant au contraire quelque plaisir intérieur que des gens, qui ne me connaissent que très peu ou point du tout me croient un homme riche qui entretient ces jeunes de mon bien… » (ANT. P. 37)

Alors il fait une retraite. Il constate qu’il ne ressent plus la ferveur et l’élan envers Dieu comme après la retraite de 1701. Cela le plonge dans une grande souffrance et inquiétude. Il écrit :

« En un mot, il faut l’avouer devant Dieu, je ne suis plus qu’un homme qui a quelque réputation de vivre encore et qui est très certainement mort, au moins si l’on compare le présent avec le passé. Hélas ! Je ne suis plus qu’un masque quasi de dévotion et d’ombre de ce que j’ai été [….] Ce n’est pas autrement que le pied a commencé à glisser à tant de gens d’une vertu éminente, et qui ont enfin péri funestement. Qui doit craindre plus que moi une pareille chute après avoir éprouvé toute ma vie de si fréquentes inconstances dans mes retours vers Dieu et de si longs désordres ensuite ? » (ANT. 37,38).

Il y a en fait quelque chose de normal. Une conversion est source d’une joie immense. Mais celle-ci ne se fait plus sentir au bout d’un moment. C’est une évolution normale. Cela ne veut pas dire que nous avons perdu la relation avec Dieu. Bien souvent c’est qu’elle est devenue plus profonde et plus vraie. Il y a aussi le fait que lorsque la personne mène une vie active, avec beaucoup de travail et de responsabilité, elle est moins sensible à la douceur de la présence de Dieu. Il reste qu’il faut vérifier si notre vie est suffisamment ordonnée, équilibrée dans l’exercice de nos charges. C’est ce que veut faire Claude François dans cette retraite. Il découvre qu’il ne peut pas et ne doit pas accomplir tout ce travail à lui seul. Il faut répartir les responsabilités. En conséquence, il s’entoure d’une équipe de collaborateurs, qui deviennent les « Messieurs du Saint-Esprit », puis la congrégation du Saint-Esprit.

 Une mort prématurée

Claude Poullart achève sa formation et reçoit l’ordination le 17 décembre 1707, quatre ans après la fondation de la communauté. Il a 28 ans. Désormais il est totalement libre pour se donner totalement à l’équipe de formateurs et aux séminaristes. Il croit ne jamais en faire assez pour Dieu et il s’impose des austérités, tant pour sa sanctification que pour celle de la communauté et des séminaristes. Une telle vie finit par l’épuiser. Il prend une pleurésie, avec une fièvre continue. Pendant quatre jours il souffre beaucoup, mais il ne se plaint jamais. Dès que la nouvelle de sa maladie se répand dans Paris, un grand nombre de personnes distinguées par leur piété et par leur place viennent lui rendre visite. Les derniers sacrements lui sont administrés, et après les avoir reçus avec un plein jugement et une parfaite liberté d’esprit, il expire doucement, le 2 octobre 1709, à l’âge de 30 ans. Il est enterré dans la fosse commune des prêtres à Saint-Étienne -du-Mont.

Sa cause de canonisation a été ouverte le 1er octobre 1989 à Paris et suit son cours à Rome.


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