[rouge]ATD Quart Monde fête ses 30 ans d’implantation à La Réunion, comment se porte le mouvement ? [/rouge]

Georges Faubourg : Le mouvement se porte bien, mais on a toujours besoin de bénévoles et le chiffre de familles en difficultés ne cesse d’augmenter.

[rouge]Depuis plus de 30 ans, ATD Quart Monde essaie d’éradiquer la misère, mais cela semble être mission impossible. [/rouge]

GF : Selon Xavier Godinot, le délégué régional de l’océan Indien, il faut que l’ensemble de la société puisse être conscient que la misère est une violation des droits de l’homme et que tout le monde s’y mette et notamment les décideurs.

[rouge]Que fait ATD Quart Monde pour mobiliser ces décideurs ?[/rouge]

GF : On essaie de les rencontrer avec les familles. Tous les ans, le 17 octobre, le jour du refus de la misère, on essaie de faire prendre conscience aux gens que la misère n’est pas fatale, qu’elle est du fait de l’homme et qu’il peut donc l’éradiquer.

[rouge]Quelles sont les actions que vous menez dans l’île ? [/rouge]

GF : En trente ans, on a beaucoup évolué. On a un groupe qui s’appelle Accès aux droits fondamentaux qui accompagne les familles dans la dignité pour qu’elles retrouvent leurs droits, droit à la santé, droit au logement, droit à la culture… Il y a aussi le projet Vacances en famille, un projet qui permet aux familles défavorisées d’être hébergées dans une autre famille pour un week-end ou une semaine de détente, sans compter les bibliothèques de rue et puis les jeunes de Quart Monde.

[rouge]ATD porte une attention particulière aux jeunes pourquoi ?[/rouge]

GF : Les jeunes c’est l’avenir de toute la société. Quand on regarde les statistiques, ce sont les plus touchés par le chômage et les plus en difficulté, c’est pour cela que certains se révoltent en Europe. Ça devrait être la préoccupation centrale de nos dirigeants.

[rouge]Qu’est-ce qu’ATD fait pour aider les jeunes Réunionnais ?[/rouge]

Sylviane Richard : ATD accompagne les jeunes. On a constitué un groupe « Jeunesse Quart Monde ». Ce sont des jeunes de différents milieux, des écoliers, des jeunes travailleurs, des jeunes chômeurs donc on les réunit de temps en temps à la maison Quart Monde pour un week-end et là ils réfléchissent comment s’insérer dans la société, comment trouver une formation qui déboucherait ensuite sur un travail, comment faire pour exister dans la vie à travers une passion.

[rouge]Comment ATD Quart Monde arrive à fédérer ces jeunes d’où ils viennent ?[/rouge]

SR : Ils viennent de quartiers difficiles mais nous leur faisons confiance parce que comme l’a dit Georges la jeunesse c’est une chance pour notre avenir.

[rouge]Comment allez-vous à leur rencontre ?[/rouge]

SR : Au départ, j’habitais dans un quartier au Port donc je les rencontrais dans la rue ou dans les maisons de quartier. Sinon ce sont les jeunes qui parlent du mouvement à d’autres jeunes. Pour beaucoup les parents sont militants au sein du mouvement, certains étaient à la bibliothèque de rue donc c’est un chemin qu’ils essaient de suivre.

[rouge]Comment fonctionne le mouvement ?[/rouge]

GF : On fonctionne avec des alliés, des personnes qui viennent donner un coup de main à l’association, soit en argent, soit en temps. Il y a aussi les familles qu’on suit depuis un an, dix ans, quinze ans, trente ans pour certaines et qui nous ramènent d’autres familles en difficulté.

Et puis, il y a trois volontaires.

[rouge]Ces volontaires, qui sont-ils ?[/rouge]

GF : Ce sont des personnes qui donnent toute leur vie ou une partie de leur vie à ATD Quart Monde moyennant une rémunération modique. Mais Sylviane peut en dire plus.

[rouge]Pourquoi être devenue volontaire à ATD ?[/rouge]

SR : C’est un choix de vie. J’ai décidé d’être volontaire, il y a trente ans de cela. Le père Joseph Wrésinski, le fondateur du mouvement, était venu à La Réunion. Puis, j’ai participé à un rassemblement pour l’année internationale de la jeunesse en 1985, j’ai alors pris conscience que la misère n’était pas une fatalité et qu’il fallait que des gens se mettent ensemble et s’engagent pour éradiquer la misère.

[rouge]En tant que volontaire, qu’est-ce que vous faites ?[/rouge]

SR : J’anime des actions, je m’occupe d’une bibliothèque de rue au Port, je suis avec les jeunes de jeunesse Quart Monde et puis en tant que volontaire nous sommes à l’écoute des familles. Comme le père Joseph a dit, il faut toujours avoir les familles en tête.

[rouge]Pourquoi ATD anime-t-il des bibliothèques de rue ? [/rouge]

SR : C’est pour donner le goût de la lecture des enfants, leur permettre d’aimer l’école, d’aimer le livre et à travers l’enfant on peut aussi être au contact des parents.

[rouge]Comment ATD prend-il en charge les familles en difficulté ?[/rouge]

GF : Non, on ne prend pas en charge les familles. Le but d’ATD, c’est de faire un chemin avec elles, mais pas à leur place. Et là, on essaie de faire que leur droit soit respectés. On les accompagne dans la durée.

[rouge]Comment ATD met-il l’accent sur l’accès aux droits fondamentaux ?[/rouge]

GF : Avec le groupe Accès aux droits fondamentaux, on se réunit pour réfléchir sur l’actualité, sur les problèmes de société et puis cela nous ramène des cas précis de familles qui sont en difficulté et à ce moment-là, il nous amène vers ces familles pour qu’on puisse les accompagner. On est en train de constituer un autre groupe du même genre.

[rouge]Mais à quoi cela sert de se réunir pour réfléchir ? [/rouge]

GF : Ça permet aux gens de se rendre compte des différentes problématiques qui nous entourent et de chercher des solutions et de voir s’il faut interpeller les pouvoirs publics.

[rouge]Quel bilan tirez-vous des trente ans de présence d’ATD dans l’île ?[/rouge]

GF : Quand je vois que l’on revient sur le droit à la santé ! Pour le moment, le droit au logement, c’est un droit qu’on vient de mettre en place, mais est-ce qu’on va pouvoir le garder ? A la vitesse où l’on va, on pourrait bien revenir cinquante ans en arrière.

SR : En montant l’exposition photos sur les trente ans d’implantation d’ATD à La Réunion, j’ai constaté qu’il y avait eu de nombreux relogements. Quand ATD est arrivé à Sans-Souci ça a permis d’avoir l’eau et l’électricité de mobiliser la population. Les familles disent aujourd’hui que ça leur a permis d’être dans d’autres associations et de continuer à se battre pour les quartiers.

[rouge]Quels sont les projets d’ATD pour 2011 ?[/rouge]

GF : ATD n’a pas de projets précis, on va mener des actions pour récolter quelques fonds et puis on voudrait sensibiliser le public sur la pauvreté dans notre île.

[rouge]Faites-vous appel aux dons dans l’année ? [/rouge]

GF : Non, on ne le fait pas directement, néanmoins nous sommes une association d’utilité publique et il y a 66% de défiscalisation. Les dons peuvent se faire à ATD Quart Monde, route nationale, 1 Grande Ravine 97426 Trois-Bassins.

[rouge]Que reste-t-il de l’esprit du père Joseph Wrésinski ?[/rouge]

GF : C’est notre principale source de spiritualité. On a souvent recours à ses écrits, c’était quelqu’un qui était précurseur en matière de dignité et d’accompagnement des familles. Et justement, il y a un film, « Joseph l’insoumis », qui sera projeté à la salle Vladimir Canter (Université de Saint-Denis) vendredi prochain à 19 heures.

[rouge] Le père Joseph Wresinski a-t-il encore des choses à nous apprendre sur notre société d’aujourd’hui ? [/rouge]

GF : Ses écrits sont pour nous un soutien pour continuer le combat. Ils nous rappellent qu’il ne faut pas tomber dans l’assistance, mais être avant tout dans l’accompagnement et dans la recherche de la dignité des familles.