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Rencontrer Jésus en prison
Article mis en ligne le 8 mars 2023

par Fr. Manuel Rivero o.p.,. Aumônier de la prison de Domenjod

Fr Manuel Rivero o.p. évoque dans cet article, paru dans La lettre de l’aumônerie catholique des prisons (n°177/mars 2023), la vocation des aumôniers de « prison ».

 Pour être avec Jésus

Pourquoi Jésus a-t-il appelé les apôtres ? Saint Marc l’évangéliste précise,que Jésus appela ceux qu’il voulait « pour qu’ils soient avec lui et pour les envoyer prêcher » (Mc 3,14). C’est Jésus lui-même qui prend l’initiative d’appeler ses disciples pour un partage de vie dans la proximité et l’amitié. Le primat est accordé à la relation personnelle avec Jésus au sein de la communauté apostolique, l’Église, plutôt qu’au « faire ». Il s’agit d’être avec Jésus. Dieu veut être avec les hommes. C’est bien le sens du nom « Emmanuel » : « Dieu avec nous ». Il serait erroné d’imaginer la mission de l’aumônier de prison comme une activité dévoreuse des énergies spirituelles au risque d’épuiser la personne dans les services à rendre. L’appel à devenir aumônier de prison représente une grâce d’intimité avec le Christ Jésus dans la prière, le partage en équipe, la rencontre avec la personne détenue qui est aussi rencontre avec Jésus (cf. Mt 25, 45), identification à Jésus prêcheur de la Bonne Nouvelle…

 Une nouvelle manière de vivre le baptême

Dans le baptême, le chrétien devient disciple-missionnaire de Jésus par la sagesse et la force de l’Esprit Saint. Devenir aumônier de prison signifie une nouvelle manière de vivre le baptême en disciple-missionnaire de la miséricorde divine. Disciple, car il va apprendre l’Évangile dans la communion à Jésus qui a passé une nuit en garde à vue dans la maison du grand-prêtre Caïphe (cf. Mt 26, 57) avant d’être présenté, le lendemain matin, au magistrat Pilate.

Une prière attribuée à saint François d’Assise enseigne que « c’est en donnant que l’on reçoit ». Cela s’avère vrai dans l’apostolat de l’aumônier de prison. Saint Vincent de Paul, considéré comme le premier et grand aumônier de prison, avait déjà compris, en son temps, que le bon aumônier de prison devient meilleur au contact des prisonniers. Il reçoit Jésus en même temps qu’il le sert et l’annonce comme aumônier. Sacrement de Jésus pour les prisonniers, ceux-ci le sont aussi pour lui.

Certaines personnes qui demandent à rejoindre l’équipe de la pastorale d’une aumônerie de prison pensent à ce qu’ils vont donner aux prisonniers en souffrance. Dans leurs premiers pas à la prison, ils risquent de parler beaucoup et de faire la morale aux condamnés par la justice. Un jour, un jeune homme en souffrance avait dit à l’aumônier : « Si tu viens me parler de Jésus tu peux entrer, si tu viens me faire la morale tu peux partir ». L’expérience apprend à changer d’attitude pour mettre en valeur l’écoute, et remercier Dieu pour les transformations spirituelles dont ils bénéficient en allant à la rencontre de ceux qui ont souvent perdu l’estime de soi, de leurs familles et de la société. Dans la pauvreté et la déchéance des cellules de prison peut rayonner la lumière du Ressuscité. Les murs épais des centres pénitentiaires n’empêchent pas Jésus de se rendre présent dans les couloirs, les salles et les cellules. Jésus manifeste surtout sa présence en la personne détenue qui ouvre son cœur par la foi à Dieu plus grand que ses fautes, ses péchés et ses remords : « Si notre cœur venait à nous condamner, Dieu est plus grand que notre cœur et il connaît tout » (1 Jn 3,20).

 L’origine de la vocation

Les aumôniers de prison ne se donnent pas à eux-mêmes la mission d’annoncer Jésus en prison. Il s’agit d’une vocation surnaturelle qui passe par des médiations : celle de l’Église qui appelle et envoie, et celle davantage effacée des prisonniers eux-mêmes.

La vocation de Moïse éclaire la vocation des aumôniers de prison. Dieu appelle Moïse après avoir entendu les cris de son peuple esclave en Égypte (cf. Ex 3, 7). Dieu connaît les angoisses des opprimés. C’est pourquoi il appelle Moïse pour le rendre libérateur : « Maintenant va, je t’envoie auprès de Pharaon, fais sortir d’Égypte mon peuple, les Israélites » (Ex 3, 10). La vocation de Moïse trouve son origine dans la souffrance, les gémissements et les larmes des esclaves désespérés et sans défense.

La vocation de l’aumônier de prison trouve son origine dans le malheur des prisonniers. En réponse aux cris silencieux des personnes détenues Dieu appelle des aumôniers et il les envoie en mission avec le soutien de sa grâce : « Moïse dit à Dieu : “Qui suis-je pour aller trouver Pharaon et faire sortir d’Égypte les Israélites ?” Dieu dit : “Je serai avec toi”. » (Ex 3, 12).

L’appel crée une nouvelle relation alors que Moïse manifeste sa faiblesse et son indignité. Ce sont l’appel et l’envoi qui ont fait la force de Moïse et qui font encore aujourd’hui la force des aumôniers de prison.

Nous avons à remercier les prisonniers qui nous ont donné notre vocation.

 C’est le Christ qui convertit

L’aumônier ne convertit personne. C’est le Christ qui convertit et qui agit dans les sacrements comme le manifeste la prière eucharistique III : « C’est pourquoi nous te supplions, Seigneur, de consacrer toi-même les offrandes que nous apportons ». C’est le Christ qui touche les cœurs, les purifie et les illumine. C’est Jésus qui baptise et qui pardonne.

L’Esprit Saint qui a engendré Jésus dans le sein de Marie continue de répandre sa grâce dans le sein de l’Eglise, Corps du Christ, Mère dans les sacrements qui font renaître les hommes à la vie nouvelle d’enfants de Dieu.

La célébration des sacrements figure dans la pastorale comme l’un des grands événements heureux et fondateurs. Quelle joie que de célébrer le baptême, la confirmation et l’eucharistie pour des personnes détenues qui ont souvent découvert le Christ en prison. La lumière du Ressuscité resplendit alors sur les visages des convertis, « re-nés ».

Il arrive que cette conversion ait lieu grâce aux témoignages de foi, de prière et de charité des autres détenus condamnés parfois pour des crimes graves. L’Église n’a pas besoin de prosélytisme. Les conversions fleurissent par la grâce et l’exemple qui attire et donne envie.

L’Église plaide pour la laïcité respectueuse des droits humains. C’est au nom du droit à pratiquer sa religion que le culte religieux est organisé par les lois de la République française, afin de le rendre possible, à la prison comme à l’hôpital, auprès des personnes empêchées de se déplacer dans les paroisses.

 Condamnés et témoins de Jésus

Dans la prison, ce sont les détenus eux-mêmes qui font connaître et aimer Jésus par leur exemple et leur joie. Nombreux sont les codétenus de soutien qui veillent sur les arrivants ou les prisonniers malades avec désintéressement, et aussi comme une manière de vivre le commandement de l’amour fraternel enseigné par Jésus : « À ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn 13,35).

Lors du séisme en Haïti le 12 janvier 2010, j’avais travaillé avec d’autres prêtres et laïcs auprès des sinistrés, en nous inspirant de l’approche « Blessés-guérisseurs ». Ce sont les blessés qui peuvent témoigner de la guérison possible, à l’image de Marie-Madeleine possédée jadis par sept démons (cf. Lc 8,2) ou de l’apôtre Pierre qui avait lâchement renié le Christ dans sa Passion (cf. Jn 21, 15 s).

Lors des rencontres avec les personnes détenues, je commence en leur demandant comment elles vont. Ensuite, je leur demande de me parler de leur expérience de Dieu en prison : ressentez-vous l’aide de Dieu dans le malheur ? Ressentez-vous sa présence dans votre cellule et dans votre cœur ? Ces questions libèrent souvent la parole et elles font dépasser la pudeur pour aboutir à des partages magnifiques sur la recherche de Dieu et sur sa miséricorde.

 Le spirituel est charnel

L’écrivain Charles Péguy a donné cette formule ramassée de la foi chrétienne : « Le spirituel est lui-même charnel ». Nous reconnaissons la grandeur d’une vie spirituelle non pas tant aux propos fervents qu’aux gestes de charité et de miséricorde. La foi dans l’Incarnation comporte un humanisme intégral et le salut de « tout l’homme et de tous les hommes », selon l’expression du saint pape Paul VI.

Les aumôniers ne s’occupent pas uniquement de l’âme à sauver mais aussi des besoins matériels en accord avec les lois pénitentiaires.

 En dialogue avec tout homme

Le Prologue de saint Jean révèle que « le Verbe était la vraie lumière qui, en venant dans le monde, illumine tout homme » (Jn 1, 9). Les aumôniers catholiques répondent uniquement aux demandes formulées par les personnes détenues. Avec les membres de l’Administration pénitentiaire et tous les intervenants dans la prison, ils forment, de fait, une communauté de vie au service de tous les détenus dans le but ultime de la réinsertion. Ils rencontrent spontanément des personnes de toute idéologie ou religion. Des partages informels et des célébrations communes avec les aumôniers des autres cultes montrent la foi catholique en l’action aimante de Jésus envers tout homme.


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