
Témoignage du père Alexandre Rogala
par Service communication
Ces paroles, le père Alexandre Rogala dit vouloir se les rappeler toute sa vie. Il a été ordonné prêtre le dimanche 29 septembre 2024 par Mgr Emmanuel Tois pour le diocèse de Saint-Denis au titre des Missions Étrangères de Paris. Son pays d’envoi ? Le Japon. Plongeon dans le parcours surprenant de ce jeune prêtre dont les racines maternelles le lient à notre île.
« C’était le plus beau jour de ma vie ! », assure le père Alexandre Rogala. Celui de son ordination presbytérale, le dimanche 29 septembre dernier ? Et bien non. C’était celui de son ordination diaconale le 1er juillet 2023 en la chapelle Sainte-Marie à Neuilly-sur-Marne car, ce jour-là, le « voile de la mariée a été levé », c’est-à-dire qu’il a reçu son pays de mission : le Japon, un pays où il restera à vie comme tous les autres prêtres des Missions Étrangères de Paris (MEP) envoyés de par le monde. « Il faut que je me souvienne de cette joie immense ressentie », confie Alexandre, qui depuis ses jeunes années vécues à La Réunion, éprouve une forte attirance pour l’Asie, en particulier la Chine et le Japon. « Je rêvais de vivre dans un de ces pays ». Un rêve qui s’est concrétisé pour lui avec un séjour en Corée du Sud en 2012-2013 qui s’est terminé en eau de boudin. Mais ça c’est une autre histoire. Celle que nous voulons vous partager concerne d’abord le chemin qui l’a amené à choisir le Christ comme unique bien de sa vie.
Il était une fois / foi
Tout commence en l’an de grâce 1986 quand il nait à Thiais dans le Val-de-Marne, d’une mère réunionnaise et d’un père normand. Suite à la séparation de ses parents à l’âge de 4 ans, il vient vivre à La Réunion avec sa mère dont la famille est originaire de La Rivière Saint-Louis. Il y reste jusqu’à son départ pour le Canada pour y poursuivre des études en infographie 3D après avoir bachoté à l’École Supérieure d’Art de La Réunion et à l’Institut de L’image de l’Océan Indien (ILOI).
Alexandre grandit au sein d’une famille catholique pratiquante habitée d’une foi fervente. « J’étais attiré par la question spirituelle, tout ce qui touchait à Dieu », raconte-t-il. Le christianisme l’intéresse et son parrain répond à ses nombreuses questions sur le sujet. Son intérêt se porte également vers d’autres religions, notamment le bouddhisme et le taoïsme. « Je n’ai jamais vraiment eu à traverser de crise spirituelle », fait-il mention.
Des petits bijoux d’homélie
À l’âge de 16-17 ans, une étape va participer à l’éveil de sa vocation sacerdotale. Ce sont les homélies du père Joël Massip, prêtre Fidei Donum du diocèse de Bourges que l’adolescent s’empresse d’écouter. « La première fois que je l’ai entendu prêcher, j’ai été impressionné ! J’habitais au Moufia mais j’allais tous les dimanches à l’église de Sainte Clotilde pour être nourrit par ses homélies ». Au fond de lui naissait le désir de s’approcher de cette connaissance, de cette science de Dieu qui émanait du père Massip. Rétrospectivement, il comprend cela comme un premier appel du Seigneur. Mais à l’époque, il souhaite seulement approfondir ses connaissances en théologie, pas devenir prêtre.
La révélation se dessine
L’autre étape, c’est en 2015. Alexandre est revenu en France après une année vécue en Corée du Sud qui s’est mal terminée. (Pour connaître les détails de cet épisode, lire l’article paru dans la revue MEP n°594 « Alexandre : dessine-moi une vocation » : https://missionsetrangeres.com/ordination-diaconale-dalexandre-rogala/?lang=en)
Il est revenu en France et vit à Lyon, ses valises pas défaites. Dans sa vie à ce moment-là, rien ne marche. Depuis un an, il cherche un emploi, en vain. Son cœur n’y est pas, il est resté en Corée. Il partage ses peines à un ami prêtre, le père Jean Eudes qui l’invite à accepter sa situation. Oh miracle, Alexandre se réinsère dans le monde du travail et tout se dénoue peu à peu. Il poursuit ses échanges avec ce prêtre, la question de la vocation se pose plus fortement, pourquoi pas celle du mariage mais toujours pas celle de prêtre. « Demande à Dieu de t’éclairer sur ta place dans l’Église », le pousse-t-il. « C’est vrai qu’à l’époque je vivais ma foi de manière assez personnelle, un peu en consommateur, ayant grandi en tant que fils unique avec un sens bien développé de l’indépendance ».
Alexandre prend au mot l’invitation du son ami. Il va vivre une forte expérience spirituelle, irraisonnable. « Un jour que je dessinais, j’ai senti l’amour très fort de Dieu pour moi au point d’éprouver des frissons, je l’entendais parler à mon cœur ainsi : « Tu veux faire des dessins pour mon Église ? C’est bien mais j’en attends plus de toi, j’attends tout de toi » ». Serait-ce la vocation monastique ? Après un temps de discernement, il comprend que la vie cloîtrée n’est pas faite pour lui. Il va se diriger vers le séminaire avec encore bien des questions en tête, « 6 ans d’études… Vais-je y arriver ? Sachant que je n’étais pas un foudre de guerre dans les études plus jeune » mais il décide de faire confiance au Seigneur et va découvrir avec bonheur des compétences intellectuelles insoupçonnées.
Ce sera les MEP ou rien !
Alexandre va découvrir les MEP par une amie, bénévole avec lui à l’accueil de la basilique lyonnaise Notre-Dame de Fourvière. Les témoignages de missionnaires âgés qu’il va entendre vont le marquer. Avec joie, il réalise que l’on peut être prêtre et vivre en Asie, ravivant son rêve de toujours. En décembre 2016, il rencontre un prêtre des MEP, apprécie l’ambiance internationale et fraternelle qui se dégage au réfectoire. « Je me sens accueilli comme dans une famille ! », témoigne-t-il. Coup de foudre. Ce sera les MEP ou rien ! Et le voilà embarqué pour 3 mois de volontariat au Vietnam.
L’Église universelle
Le diocèse de Saint-Denis dans lequel le père Alexandre Rogala a été incardiné le 29 septembre 2024 accueille des prêtres de plus de 50 nationalités différentes ! « C’est un enrichissement pour l’Église locale », souligne Alexandre, touché que son diocèse donne à son tour un de ses – rares - prêtres à un pays étranger. « Peu importe à quel point l’Église est pauvre, elle peut donner quelque chose. Cela montre son universalité et sa beauté ».
Comment voit-il sa mission d’évangélisation au Japon ? « C’est une culture tellement avancée et particulière, ils sont bons aussi dans les œuvres sociales… La seule chose que je pourrai faire, c’est apporter le Christ, à condition que Dieu m’aide à ouvrir le cœur des Japonais, intéressés par le christianisme mais pas au point de vouloir se convertir », note le jeune prêtre qui reconnait avoir comme seule arme pour témoigner sa parole et ses actes. Dans un pays où la figure du prêtre catholique est assez sombre, l’enjeu est de montrer un autre visage du Christ et de son Église. Et cela passe par l’annonce d’un Dieu qui s’est révélé non par la force ou le spectaculaire mais par la croix, dans la faiblesse. Une réalité qui fait écho au verset biblique (Ga 6,14) que le père Alexandre a choisi pour marquer l’étape de son ordination presbytérale : « Mais pour moi, que la Croix de notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté. Par elle, le monde est crucifié pour moi, et moi pour le monde ». « La vocation de prêtre n’est pas facile, notamment l’engagement au célibat mais je suis heureux, je remercie le Seigneur de m’avoir donné cette place. Je ne la laisserai pour rien au monde, même pour une très belle femme », confie le père Alexandre.
Service communication, E. Tevane
Photo © Guillaume Poli