Attention aux dérapages !
Article mis en ligne le 4 mai 2011

par Mgr Gilbert Aubry

Mgr Gilbert Aubry réagit à un courrier de lecteur paru dans le Journal de l’île du 23 avril, à propos de l’utilisation de l’argent public à l’occasion de fêtes religieuses. L’occasion pour lui de préciser quelques points importants.

J’ai lu avec attention l’article signé K.M. et publié dans votre édition du samedi 23 avril sous le titre « Le mépris des politiques envers les chrétiens ». L’auteur anonyme dénonce l’utilisation de l’argent « cet argent (qui) depuis toujours sert aux ethnies religieuses pour leur obscurantisme et leurs cultes ancestraux mais pas pour les Créoles réunionnais de culture chrétienne ». Et plus loin, je cite « fêtes religieuses chinoises et indiennes (tamoule et musulmane)… ». Il y a dans les propos de K.M. une perception qui ne doit pas être négligée. Mais j’y vois surtout des amalgames qui nécessitent des clarifications afin de ne pas exacerber les problèmes de société et de ne pas occasionner des dérapages nuisibles à la cohésion de la population réunionnaise.

Parler d’ethnies religieuses est une ineptie. En effet, si au départ les appartenances religieuses étaient liées principalement à une appartenance ethnique d’origine, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Notre population réunionnaise est métissée dans son ensemble, avec des dominantes ethnoculturelles selon des groupes et des familles mais qui se retrouvent à des degrés divers, dans une « anthropologie créole ». L’Église catholique regroupe depuis bien longtemps toutes les sensibilités ethnoculturelles. Les divers filons de l’Islam et de l’Hindouisme à La Réunion connaissent le même phénomène. L’on peut se dire culturellement bretons, tamouls, de telle ou telle région de l’Inde, chinois, cafres, malgaches…, et de quelles religions ? Ou sans religions ? Cultures et religions interfèrent mais ne se confondent pas.

Du point de vue religieux, il appartient à chaque filon religieux, à chaque religion, de déterminer la cohérence entre ce qui est proclamé et ce qui est vécu en son sein. Mais je n’ai pas le droit de qualifier d’obscurantisme un culte différent de celui qui est le mien. L’expérience religieuse est multiforme. Si elle est vraiment religieuse, elle permet de relire l’histoire et de relier les hommes entre eux dans leur recherche de ce qui est bon, de ce qui est beau, de ce qui est vrai. L’expérience religieuse véritable libère de la peur rituelle et de la peur des autres dans leurs différences religieuses. Le dialogue est possible et indispensable à la vie. Ce n’est pas le durcissement des positions qui sécurise. C’est même plutôt un signe de faiblesse.

A mon avis, l’on a pris l’habitude de parler de « communautés » à tort et à travers, avec des confusions dommageables à la cohésion de la société réunionnaise. Veut-on parler de communautés culturelles ? De communautés religieuses ? De communautés ethniques ? Les trois niveaux peuvent coïncider parfois. Ce n’est pas généralisé… et il n’existe que la race humaine ! Pour vendre le produit touristique Réunion, il a fallu se plier à un langage de marché où nous avons failli perdre notre âme réunionnaise. Cela ne date pas d’aujourd’hui. Il ne faudrait pas que la promotion de La Réunion à l’extérieur se retourne contre La Réunion à l’intérieur de sa population. Notre dynamique de progrès et de développement n’a jamais été un « développement séparé » à la manière britannique. De plus, gardons-nous bien d’importer des problématiques politico-religieuses qui n’ont rien à voir avec notre Histoire.

C’est dire notre responsabilité à tous, plus particulièrement des politiques, des religieux, des leaders d’opinion, des journalistes vis-à-vis de notre « vivre ensemble ». Responsabilité aussi pour promouvoir une image correcte de La Réunion. Notre vivre ensemble est une réalité de tous les jours. Nous ne sommes pas des communautés ethniques ou culturelles juxtaposées. Nous faisons partie d’un ensemble où les idéaux républicains nous relient, nous aident et nous aideront à trouver nos places respectives dans une même communauté de destin. Notre langue populaire créole, la langue française, nos manières de vivre, les institutions de la République établissent une réelle transversalité de relations interdépendantes. L’Église catholique, soucieuse de dialogue social, pour sa part, contrairement aux allégations de K.M., n’a jamais demandé aux « communes laïques et républicaines » et aux deux collectivités, d’organiser des festivités publiques pour Noël, pour les Rameaux, pour Pâques ou une autre fête. Nous n’avons rien demandé et nous ne le demanderons pas non plus.

Le 26 avril 2011

Monseigneur Gilbert Aubry


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