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« Aujourd’hui vous est né un Sauveur »
Article mis en ligne le 24 décembre 2012
dernière modification le 26 décembre 2012

par Mgr Gilbert Aubry

À lire : l’homélie de Noël de Mgr Gilbert Aubry.

Au début de notre eucharistie, nous avons chanté « Un enfant nous est né, celui qui règnera sera appelé Prince de la Paix ». Et le diacre a proclamé dans l’Évangile : « Aujourd’hui vous est né un Sauveur » (1). Nous fêtons Noël. Les chants sont à la joie. L’église est illuminée. Cela fait revivre en nous des souvenirs d’enfance. Ensuite, nous nous retrouverons peut-être en famille ou avec des amis. Après quoi, la vie reprendra son cours. Le Sauveur, quelle place allons-nous lui donner ? Et est-ce que nous avons seulement besoin d’être sauvés ?

Écoutons cette histoire d’un événement dramatique qui a été rapporté dans la presse par un journaliste et qu’a reprise le Père Bro dans un de ses livres. Ce sont les vacances d’été sur la côte méditerranéenne. Il fait beau. La mer est plate. Le soleil brille. Un groupe de huit jeunes garçons et filles pleins d’avenir et en bonne santé louent un bateau pour faire une croisière. L’ambiance est à la camaraderie. Ils se chahutent un peu. Ils plaisantent. Ils se bousculent. « Chiche, on plonge ! ». Ils coupent le moteur. Certains en jeans, d’autres en maillot de bain se jettent à l’eau. Dans la joie, tout le monde se baigne en haute mer. Ils décident de remonter sur le bateau. Ils n’y arrivent pas malgré tous leurs efforts et toutes les tentatives individuelles et collectives. C’est trop haut. Ils ne peuvent pas se sauver. Ils périront tous noyés alors qu’ils se cognent pendant des heures sur la coque de leur bateau. Sur les parois lisses, on retrouve ensuite des traces de sang, des bouts d’ongles, de dents, des poignées de cheveux. Dans ce drame, l’on ne peut pas accuser ni le bateau, ni la mer. Comment tout cela est arrivé ? Dans leur précipitation, avec l’émotion, l’emballement et l’excitation des sens, personne n’a pensé à mettre en place l’échelle de coupée pour remonter sur le bateau. L’échelle était pourtant dans le bateau.(2)

Cet événement réel devient une parabole pour notre temps.

− Le bateau c’est toute l’humanité embarquée pour la même croisière avec tous les êtres humains appelés à « vivre dans le monde présent en hommes raisonnables, justes et religieux… » (3) . Les chrétiens ont à vivre fraternellement avec ceux qui croient autrement en Dieu notre Unique Créateur Miséricordieux, l’Origine et la Fin de tout. Nous avons à vivre en paix avec tout le monde, les agnostiques et les athées, ceux qui nous aiment ou ceux qui ne nous aiment pas. Nous sommes tous dans le même bateau.

− La mer, c’est l’océan de la vie. Avec ses calmes plats et ses tempêtes, ses fascinations et ses pièges. Tout cela oblige parfois à louvoyer, à corriger des trajectoires tout en maintenant le cap.

− L’échelle de coupée c’est Jésus le Christ. Lui, Dieu dans la chair humaine, Lumière née de la Lumière, descend jusqu’aux profondeurs abyssales du Mal, de nos enfers et de la mort pour nous ressusciter avec lui. Il ramène chacun de nous, chaque personne à la lumière dans le bateau de l’humanité, de son humanité à chacun, de ton humanité, de notre humanité à tous. Il veut nous réconcilier nous-mêmes en nous-mêmes, avec les autres, avec la nature et le cosmos, dans l’amour de Dieu son Père, au souffle de l’Esprit. L’échelle de coupée descend dans notre condition humaine, nous remontons à la surface, encore plus haut, jusqu’au ciel.

« Aujourd’hui vous est né un Sauveur ». Des personnes pourraient nous dire : votre Jésus est un mythe. Dire cela n’est pas sérieux. Jésus est inscrit dans l’histoire, dans l’espace et dans le temps. Il est né à Bethléem en Judée, il a été crucifié à Jérusalem sous Ponce Pilate. Nous avons écouté l’Évangile selon saint Luc. L’évangéliste nous dit que Jésus est né au moment où « parut un édit de l’empereur Auguste ordonnant de recenser toute la terre, ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie ». Le même évangéliste situe le commencement de l’activité publique de Jésus la quinzième année du règne de Tibère César avec la mention du gouverneur romain.

En réalité, Jésus fait question et questionne chacun de nous. Il est incontournable. Chacun a rendez-vous ou aura rendez-vous avec lui. On peut lire les évangiles de plusieurs manières : littéraire, historique, géographique, psychanalytique, symbolique… Toutes ces approches sont intéressantes, mais la question fondamentale que Jésus pose aux chrétiens, aux lecteurs, aux artistes, aux cinéastes, aux téléspectateurs est la suivante : À mon sujet, on dit que je suis comme ça ou comme ça, « mais pour vous, qui suis-je ? » (4). Nous ne pouvons pas éviter Jésus. Il nous appelle et nous sommes invités à lui répondre en vérité.

[bleu]Boussole pour notre humanité déboussolée[/bleu]

En cette année de la foi 2012 – 2013 pour les catholiques, en cette fête de Noël, nous proclamons « Aujourd’hui vous est né un Sauveur ». Jésus nous questionne, me questionne : pour toi, qui suis-je ? Est-ce que tu m’as vraiment rencontré, de cœur à cœur, de personne à personne ? Chers amis, le rapprochement des deux paroles de l’Écriture « Aujourd’hui vous est né un Sauveur » et « qui suis-je pour toi ? »… nous donne « Aujourd’hui qui suis-je pour toi ? » Est-ce que tu crois que je suis réellement ton Sauveur maintenant ? Est-ce que tu as envie de te laisser sauver par moi, de l’intérieur pour m’aider à sauver les autres grâce à toi ? Je suis ton échelle de coupée entre ciel et terre, entre toi-même et toi-même, entre toi-même et les autres, entre vous tous et Dieu mon Père et votre Père.

Considérons le contraste entre l’empereur Auguste et le tout petit enfant de la mangeoire ! D’un côté, il y a celui auquel le sénat romain avait conféré le titre d’Auguste c’est-à-dire « l’Adorable » (en grec sebastos) envoyé aux générations futures comme sauveur (cf. épigraphe de Priène). De l’autre, il y a Dieu qui se coule dans la faiblesse humaine, dans la naissance et la croissance d’un enfant sur la paille, sans argent. Ce sont les bergers, les parias de la société qui vont reconnaître « le signe » : « Un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire ». Le signe n’est jamais évident. Il vient confirmer un appel déjà entendu dans la disponibilité du cœur. Les bergers étaient désencombrés d’eux-mêmes, ne possédant rien, ils étaient disponibles et disponibles à la grâce de Dieu. L’ange leur avait parlé. Ils avaient écouté. Ils s’étaient mis en route : « Aujourd’hui vous est né un Sauveur ». Ils l’ont cherché. Ils l’ont rencontré et une troupe céleste louait Dieu en disant « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime ».

Les valeurs sont inversées. Dieu ne se rencontre pas dans la puissance ou la peur. Sa toute puissance est de se mettre à notre portée en nous invitant à le chercher à travers mille signes reçus. A l’intérieur de nous-mêmes et dans nos relations avec les autres, dans la nature. Le signe de tous les signes est bien cet enfant Jésus, cet Homme Jésus, cet adulte jusqu’au bout de l’amour, crucifié, mort et ressuscité. Comme les bergers, c’est à l’écoute de la Parole, avec le Verbe fait chair, avec le Ressuscité que nous pouvons accueillir Dieu en nous et nous ouvrir à l’avenir. Il reviendra dans la gloire. Et l’ordre des choses et des relations humaines sera rétabli dans l’ordre de la Création au cœur de son Créateur. Nous serons nous aussi transfigurés avec Jésus le Christ, boussole pour notre humanité déboussolée. Noël c’est la sainte Nativité de Jésus pour que les hommes et les femmes découvrent en eux-mêmes plus qu’eux-mêmes jusqu’à l’infini de l’Amour. Nous sommes à nous-mêmes notre unique trésor en Dieu. La personne humaine n’a pas de prix, chaque personne humaine, toute personne humaine. À La Réunion et partout dans le monde.

Dieu a voulu avoir besoin de nous aujourd’hui pour construire un monde plus humain et pour préparer le second avènement de son Fils qui va faire les cieux nouveaux et la terre nouvelle. Notre pape Benoît XVI nous rappelait la semaine dernière que « c’est dans l’Évangile que les chrétiens doivent trouver l’inspiration dans leur vie quotidienne et pour leur engagement dans les affaires du monde (…) Les chrétiens ne devraient pas éviter le monde, ils doivent s’y impliquer. Mais leur implication dans les affaires politiques et économiques doit transcender toutes formes idéologiques. » Et c’est la même chose lorsqu’il s’agit du respect de la vie et des lois qui concernent l’avenir des familles : « Quand les chrétiens refusent de se plier devant les faux dieux qui leur sont proposés aujourd’hui, ce n’est pas une vision antique du monde. C’est plutôt qu’ils sont libres des contraintes de l’idéologie et inspirés par une tellement noble vision de la destinée humaine qu’ils ne peuvent faire aucun compromis avec ce qui pourrait la dévaluer » (5).

Chers frères et sœurs en Jésus-Christ, chers frères et sœurs en humanité, dans cette fête de la Nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ, que nous puissions à notre place, à notre manière, selon notre propre spiritualité ou religion, faire nôtre cette prière de saint Augustin :

Ô Vérité, lumière de mon cœur,
ne laisse pas mes ténèbres me parler !
J’ai dérivé vers les choses d’ici-bas
et je suis devenu obscurité
mais de là, même de là, je t’ai profondément aimée.
J’ai erré et je me suis souvenu de toi.
J’ai entendu ta voix derrière moi me disant de revenir,
Mais j’ai mal entendu dans le tumulte des contestations.
Et maintenant voici que je reviens,
Tout brûlant et haletant, vers ta source.
Que nul ne m’en écarte !
Que j’y boive et en vive.

A vous tous, je souhaite un Noël de Lumière et de Paix pour vous et pour tous les vôtres. Que cette Lumière et cette Paix s’étendent déjà sur la nouvelle année qui s’annonce. Que Dieu vous bénisse !


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