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Film et spiritualité : « L’immeuble Yacoubian » à Saint-Denis
Article mis en ligne le 1er juin 2011

par La Rédaction d’Église à La Réunion

Dans le cadre de « Film et spiritualité », le Centre Saint-Ignace propose dimanche 17 juillet de 17h30 à 19h30, salle Jean de Puybaudet, le film L’immeuble Yacoubian. La diffusion sera suivie d’un débat.

[bleu]L’immeuble Yacoubian[/bleu]

Film de Marwan Hamed (Omaret yakobean), Egypte, 2005, avec Adel Imam, Nour El-Sherif, Youssra, Essad Youniss, Ahmed Bedir, Hend Sabri, Khaled El Sawy, Khaled Saleh, Ahmed Rateb.

C’est l’histoire d’un immeuble mythique du Caire et de l’évolution politique de la société égyptienne de ces cinquante dernières années, entre la fin du règne du roi Farouk et l’arrivée des Frères musulmans au pouvoir. En toile de fond, la question du « comment est-on passé d’une société dite moderne et ouverte d’esprit à une société souvent décrite comme intolérante ? »

L’Immeuble Yacoubian est une évidente métaphore de l’Égypte moderne. Construit en 1930 en plein cœur du Caire, cet immeuble est le vestige d’une splendeur révolue. Au rythme des chansons d’Édith Piaf, on regarde vivre ses habitants hauts en couleurs et on s’y attache. Dans les étages vivent les déchus et les parvenus : le fils d’un pacha, vieillissant amateur de chair fraîche, un commerçant reconverti dans la politique, un journaliste homosexuel. Ceux-là tentent de survivre en trichant avec les règles sociales et religieuses... Sur le toit s’entassent les pauvres et les déclassés : une jeune femme cernée par le vice et son copain qui sombre dans l’islamisme dur... L’immeuble est assez grand pour abriter un échantillon représentatif de la société égyptienne : de l’aristocrate déchu qui ne se remet toujours pas de la chute du roi Farouk, au jeune étudiant que le spectacle de l’injustice pousse vers l’insurrection islamiste, en passant par le commerçant copte obsédé par l’argent ou le pieux musulman qui invoque sans cesse Allah tout en achetant un siège à l’Assemblée nationale.

Le roman d’Alaa El Aswany, L’Immeuble Yacoubian (traduit et édité chez Actes Sud, 2002), dont est tiré le film, a été un triomphe et s’est vendu à plus de cent mille exemplaires en Égypte où les romans se vendent peu. Le scénario en respecte l’audace et le film, lui, a attiré localement plus d’un million et demi de spectateurs. Montrer un homosexuel à l’écran est impensable en Égypte, dénoncer aussi crûment l’hypocrisie et l’affairisme des politiciens est tout aussi rare. A travers les destinées des habitants qui se croisent dans cet immeuble, se dessine un portrait sans fard de l’Égypte contemporaine, où se mêlent corruption politique, montée de l’islamisme, fracture sociale, absence de liberté sexuelle et nostalgie du passé. Le portrait d’une société complexe et colorée, surprenante et attachante. Pendant presque trois heures, dans une salle obscure, nombre d’Égyptiens se sont ainsi abîmés dans le spectacle de leurs existences, la dernière heure du film basculant quant à elle dans la tragédie.

Il faut en convenir, malgré ses stéréotypes, malgré ses facilités, L’Immeuble Yacoubian nous touche. Parce qu’en ce moment les films qui nous viennent du monde arabe sont rares. Parce qu’il est encore plus rare qu’un film arabe qui nous parvient ait été vu par des centaines de milliers de spectateurs dans son pays. Et parce qu’il n’est pas besoin d’être grand spécialiste du Proche-Orient pour deviner les raisons, bonnes et moins bonnes (le courage face à la censure, la mobilisation d’un casting de stars du cinéma égyptien et arabe de toutes générations, le parfum de scandale), de son succès populaire.

Au final, une très belle fresque qui nous dépeint, à travers la vie des habitants d’un immeuble, la réalité et la complexité de la nature humaine, en plus de nous présenter l’Égypte moderne. Un film choral tantôt drôle tantôt émouvant, annonciateur, prémonitoire du « printemps arabe » de la place Tahrir au centre du Caire.


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