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Possédés par le ressentiment
Article mis en ligne le 9 mars 2021

par Fr. Manuel Rivero o.p.,. Aumônier de la prison de Domenjod

Le pape François exhorte à « ne pas laisser grandir en nous des murs de ressentiment et de haine » et à « ne pas rester isolés dans ce bouillon amer de notre ressentiment [1]  ». En effet, le ressentiment construit des « murs invisibles [2] ».

« Partout où je passe, je retrouve du ressentiment », me disait ces temps-ci un ami réunionnais, bon connaisseur de la culture et de la vie associative et politique de l’île.

Dans les couloirs de la prison de Domenjod figure le portrait de Nelson Mandela (+ 2013), l’ancien président de l’Afrique du Sud, qui sauva son peuple de la violence et de la ruine économique. Après vingt-sept ans passés en prison, il aurait pu succomber à la tentation de la vengeance. Humaniste chrétien, il se donna corps et âme au service de la réconciliation nationale. Il sut dépasser personnellement le ressentiment. Des millions de citoyens sud-africains le suivirent dans sa détermination de vaincre l’injustice par le pardon, le mal par le bien.

Le mot ressentiment commence par « re » de ressasser. Le ressentiment comporte la reprise et la répétition aussi ennuyeuse que stérile des sentiments d’animosité, d’irritation et de haine. Le ressentiment rend malheureux et triste. C’est pourquoi le philosophe Max Scheler (+1928) le définit comme « une intoxication, la sécrétion néfaste, en vase clos, d’une impuissance prolongée [3] ». Ceux qui laissent grandir en eux le ressentiment deviennent des êtres dévorés, rongés, possédés par des pensées négatives d’agressivité, d’envie, de jalousie voire de haine.

Des études en psychologie relèvent que la plupart de nos pensées quotidiennes sont négatives et qu’elles ressemblent à 90% à celles d’hier.

Dans l’Évangile, Jésus accorde à ceux qui croient en lui de devenir des hommes et des femmes nouveaux. Il délivre du mal et du malin.

Le diable n’est pas intelligent, il est malin. L’intelligence représente une participation à la sagesse de Dieu. Le diable est possédé par le ressentiment. Dans la Bible, le diable a voulu devenir dieu sans dieu et contre dieu. Dans son échec, il en veut à Dieu, aux autres et il s’en veut à lui-même. Alors que Dieu voulait rendre participants de sa nature divine par pure grâce les anges et les hommes créés à son image et à sa ressemblance, le diable a voulu voler la gloire de Dieu. Sans la grâce, il s’est retrouvé tout seul, vide. Il aurait pu réagir par le repentir mais il a préféré le déni et le refoulement. D’où son ressentiment.

Jaloux de l’amour de Dieu pour l’homme et pour la femme, le diable cherche à les manipuler et à les éloigner de la miséricorde divine.

Le diable a préféré la gloriole à la gloire de Dieu. La gloire évoque la consistance, la valeur, la plénitude et le poids d’un être. Face à la gloire de Dieu, le malin ne fait pas le poids. La gloriole est faite de vanité, d’orgueil.

Le diable ne connaît pas l’amour, le don de soi. L’art le représente avec des cornes et des sabots, mais surtout avec des doigts crochus, car il est replié sur lui-même, possédé par ses possessions dont parle l’Évangile : terres, richesses, pouvoir, ostentation … Il convoite sans se remplir à l’image de la société de consommation et de loisirs qui laisse les personnes insatisfaites et agressives. La publicité, qui développe les besoins et l’envie, provoque souvent le ressentiment.

L’écrivain catholique Georges Bernanos (+1948) pensait que « la ruse du diable était de se faire oublier », comme un serpent tapi à l’affût de sa proie.. Les démons agissent soit directement contre quelqu’un, soit indirectement à travers d’autres personnes.

Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui déclarent souffrir dans leur corps et dans leur esprit des attaques diaboliques. Un discernement s’impose : ces souffrances sont-elles d’ordre psychologique ou d’ordre spirituel ? Habituellement, la réponse qui vient à l’esprit tranche entre la psychologie et la possession diabolique, soit c’est l’une, soit c’est l’autre.

L’expérience relativise et nuance cette approche dualiste. Le diable se glisse dans les pensées et les sentiments. Ceux qui sont possédés par le diable expérimentent le même ressentiment que lui. Le diable malheureux veut instiller son mal-être en ceux qui l’écoutent.

Comment y échapper ? Comment sortir de ces idées noires qui défilent en boucle ? Comment guérir de la contamination de notre esprit ?

Dans l’Évangile, Jésus libère ceux qui sont possédés par le diable (cf. Mc 1,29-39). Ils passent de l’esclavage à la liberté, de la médisance à la louange, des murs invisibles de l’isolement à l’art de vivre ensemble.


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